Les 125 premières années (1869-1994)

Dans la deuxième moitié du XIXᵉ, la région de Bex, en ce qui concerne la musique instrumentale, ne connaissait que quelques trios ou groupes champêtres, hormis les pianos particuliers à certaines familles mélomanes.

Fort curieusement, les premières manifestations instrumentales le furent non par l’Instrumentale mais par l’Orchestre de Bex, qui se produisit pour la première fois le 13 juin 1869, ceci seulement 3 mois après sa fondation. Ce concert historique au temple de Bex fut loin d’être parfait : placés de part et d’autre de l’orgue, les musiciens ne s’entendaient pas bien et le résultat fut mitigé. Mais le bon côté de cet essai quelque peu manqué fut que l’idée de créer une fanfare vint au jour. Cinq cents francs furent prêtés par la Municipalité pour les instruments et à la fin juin 1869, on procéda à la distribution des instruments. A part quatre membres, tous les autres n’avaient jamais touché des cuivres. Ils apprirent la gamme avec les premiers, et entrèrent directement en pleine fanfare !

La première répétition, sous la direction de M. Etter, organiste, eut lieu dans la salle du Conseil communal, l’un des premiers jours de juillet 1869. La première marche, composée pour l’occasion, donna l’opportunité aux enfants passant devant l’Hôtel de Ville de prendre le chemin de l’école en sifflant cet air avant que tous les musiciens ne la connaissent… Avec plus ou moins de bonheur dans ses prestations, la première fanfare bellerine était née.

L’année suivante déjà, elle était choisie par la Très Vénérable Société du Cordon Bleu pour sa journée de tir. Ce fut également le premier uniforme : vert avec boutons d’or et chapeau à plumes du carabinier de l’époque. Douce rigolade des spectateurs – moins de la part des victimes – faits au moyen d’emprunts multiples d’uniformes trop gros ou trop petits. Mais depuis lors, la fanfare devint musique attitrée pour le Cordon bleu : une association qui perdura jusqu’en 2001.

En 1880, deux sections indépendantes furent formées : une section Orchestre et une section Fanfare ayant chacune son comité et formant ensemble la Société Instrumentale. Dès 1882, l’Instrum de Bex, comme on l’appelait alors, fit partie dès le début de l’Association des musiques vaudoises et prit part en 1893 au premier festival, concours organisé par cette association. Forte de 32 exécutants, elle joua à la satisfaction du jury et fut reçue à Bex par le syndic M. Isaac Oyex-Ponnaz.

25ᵉ anniversaire en 1894, marqué par le premier véritable uniforme, avec un képi au pompon blanc et un sabre à poignée jaune. Coût : 70 francs, ce qui causa une dépense énorme et dès le début des difficultés de tout genre se dressèrent, il fallut abandonner ce luxe vestimentaire par la suite.

En 1895, l’honorariat est accordé pour sa bienveillance à la Société à M. Marc Ruchet, alors Conseiller d’Etat et qui devint par la suite président de la Confédération en 1905 et 1911 .

L’année de 1901 devait amener l’Instrumentale au faîte de ses succès au concours d’Aubonne : en IIᵉ division, avec 29 exécutants, elle remporta une première couronne de lauriers à l’exécution et une première couronne de lauriers à vue. Bonne exécution, bonne direction qui mérita un premier prix à l’unanimité du Jury. On n’aurait su être plus élogieux ! Direction de M. Henri Brélaz, avec réception grandiose au retour à Bex.

En 1904 à Montreux, la société se présente avec un nouveau drapeau et pour la première fois en première division avec 30 exécutants. Résultats moins brillants qu’à Aubonne mais un premier prix d’exécution avec couronne de chêne. A vue, ce fut différent : une fâcheuse erreur d’impression dans la partie directrice désarçonna les musiciens qui ne parvinrent plus à se remettre d’aplomb ! La faute de gravure reconnue, le jury accorda tout de même un premier prix avec couronne de chêne. Par contre le lendemain, on oublia proprement la caisse de musique dans le M.O.B. en allant jouer aux Avants… le train suivant la ramena…

L’an de peu de grâce 1914 fut le début d’une période de marasme. Ce 1ᵉʳ août fut tragique, l’Instrum vit partir une quinzaine de membres sous les drapeaux. Le directeur, M. Corrado, lui-même italien, dut aussi répondre à une ordre de mobilisation et quitta le pays. La société se mit en veilleuse, le local de répétitions ne pouvait que rester clos. Malgré cela, en 1916, un important événement eut lieu : la fusion avec « La Lyre », fanfare de la Croix-Bleue.

En vingt mois de mobilisation, plusieurs membres firent partie des fanfares militaires et s’y sont développés aussi. L’Instrumentale fit de gros progrès et s’apprêta à commémorer dignement le cinquantième anniversaire de sa fondation.

Pour ce demi-siècle d’existence de l’Instrumentale, on fit bien les choses. Une plaquette commémorative de 80 pages fut éditée relatant la vie de la société de 1869 à 1919. Une géniale trouvaille fut celle d’organiser un meeting d’aviation aux Placettes, avec vols de passagers. Quatre majestueux biplans évoluèrent dans le ciel bellerin. Enthousiasme délirant et grand succès de l’opération. Nous sommes en 1919 et le passager, avant de s’aventurer sur ces frêles machines, devait s’affubler de la tunique classique en toile cirée, du casque, des lunettes, des gants et… de son testament.

Coté festivité ce fut grandiose, concert le samedi soir, 300 couverts le dimanche à midi. Ensuite cortège monstre, comme on n’en avait jamais vu à Bex. Deux grandes journées suivies par des milliers de personnes.

En 1921, M. H. Lecomte remplace Ed. Tinturier, directeur depuis 1916. La même année, décès du président en charge M. Albert Pellegrini, avec enterrement en musique.

En 1922, renouvellement des instruments en dépit des grosses difficultés financières : les instruments viendront d’Allemagne, les prix suisses étant trop élevés. Le Tir cantonal de 1922 à Bex mit sur pied l’Instrumentale non pas pour un jour mais pour 12 jours. Heures fastes où le cours d’élèves compte environ 60 élèves, mais les instruments manquent – ceux commandés en Allemagne sont en souffrance à la frontière et ne peuvent toujours pas rentrer en Suisse.

Les années passent avec toujours leurs lots de répétitions, concours, soirées et concerts. Puis ce fut à nouveau la guerre et l’activité fut très limitée, voire suspendue.

En 1944, participation à la 14ᵉ Fête des musiques de l’Est, à Vevey, mais l’enregistrement sur disque effectué à cette occasion (Titus) donna des résultats déplorables.

1945

Le 10 mai 1945, jour de l’Ascension et culte d’action de grâces à l’occasion de la cessation des hostilités en Europe, toutes les manifestations sont interdites par arrêté cantonal. Bravement, après un grand concert donné la veille sur la Place, l’Union Instrumentale ira jouer la Diane de paix dès 4 heures (tradition qui est encore en place de nos jours), y compris devant la maison du colonel Mamin qui la remercia dans une touchante lettre… Mais les autorités blâmèrent.

En 1949, c’est la présentation du nouvel et seyant uniforme brun à col ouvert, le public applaudit à tout rompre.

Vendredi 3 septembre 1954, jour unique dans les annales de l’Union Instrumentale de Bex : la création d’une école et corps de musique pour jeunes de 10 à 20 ans ; initiateur, M. le professeur Henri Bujard ; membre fondateur, l’Union Instrumentale. Inscriptions inespérées de 60 élèves. Trois professeurs du Conservatoire seconderont M. Bujard. Un crédit de 16 000 francs est voté pour l’achat d’instruments aux élèves, montant qui sera remboursé au complet en 1962.

Du 3 au 7 juillet 1964, l’Union Instrumentale s’en est allée au festival de musique au Neubourg, département de l’Eure, en France. Journées triomphales où les concerts donnés sous la direction de M. Depardieu obtinrent un grand succès et firent grosse impression. Souvenirs inoubliables pour les nombreux participants bellerins. L’année suivante, visite en retour des Normands, qui débarquèrent à Bex à plus de 150 personnes en grandes blouses bleues et bonnets blancs. Accueil de la population délirant, les clairons français et la musique municipale du Neubourg se déchaînèrent littéralement, entraînant avec eux à travers rues et ruelles des Bellerins en folie dans une farandole comme on n’en avait jamais vu. Personne n’était près d’oublier cela !

En 1969, année du centenaire, nouvel uniforme, et la décision est prise de l’achat d’un nouveau drapeau. Le comité du Centenaire est présidé alors par M. Albert Roux. Après discussion nourrie, il est décidé de reporter les broderies du drapeau de 1934 sur un fond neuf. Ce premier siècle d’existence, l’Union Instrumentale a surmonté tous les obstacles, les difficultés financières et la lutte perpétuelle pour faire suivre les répétitions à un certain nombre de membres.

Les festivités du Centenaire eurent un énorme succès auprès de la population. La société, dans ses nouveaux uniformes bleus et gris avec casquette à l’américaine, un drapeau de toute beauté, et précédée de son groupe de majorettes avait vraiment fière allure. Le clou du concert anniversaire fut l’exécution du «  »Chant des Hébreux » en collaboration avec la Soldanelle et l’Harmonie des Alpes (130 exécutants), sous la direction de M. Depardieu.

Le mois de juillet 1972 vit la première visite de l’Union Instrumentale chez ses amis de Niederbipp. Deux belles journées qui auront des suites fort sympathiques. En 1974, concours cantonal à Mézières, excellente 3ᵉ place en première division sous la baguette de F. Tschannen.

Novembre 1975 voit le début des travaux du nouveau local de répétition sis au Carroz : une énorme tâche entreprise par des maîtres d’état et musiciens enthousiastes, qui aboutit le 21 janvier 1977. Résultat : une salle de répétition magnifique à l’acoustique parfaite. Faisant suite à cela, un cours d’élevés fut créé, et le succès fut immédiat.

Deux soirées furent nécessaires pour accueillir tous les spectateurs du concert annuel de l’année suivante : Bernard Romanens, soliste de la dernière Fête des Vignerons chantait avec l’accompagnement de la société « Le Vieux Chalet ». Inoubliable !

En 1979, ce fut la première visite de l’Instrum à Tuttlingen, ville jumelle du Bad-Wurtemberg. Accueil chaleureux de nos amis allemands.

Un premier camp musical pour les élèves de 1980 eut lieu aux Pars, dans le chalet du Club Alpin bellerin. Cette première fera école.

En 1981, l’événement fut la participation de l’Instrum à la Fête fédérale de Lausanne. Bonne prestation de la société dans les exécutions du morceau de choix et du morceau imposé, mais désillusion au concours de marche : le jury était présent lors de la formation des rangs et là, ce ne fut pas du gâteau ! Très bon souvenir par contre du morceau d’ensemble exécuté à la Pontaise : 7000 exécutants, c’était grandiose.

On s’achemine ainsi sans trop de bruit vers le 125ᵉ anniversaire de 1994, qui sera précédé d’un changement d’uniformes en 1993. Il était prévu d’effectuer un voyage en Sicile et aux îles Eoliennes au mois de septembre, mais finalement, seule la Sicile accueillera nos musiciens. Ce fut l’occasion de tester l’endurance des membres avec un cortège exceptionnellement long de 3 kilomètres. Beaucoup diront qu’ils ne le referont plus !

En attendant le 150ᵉ…

En 2011, dans la même ville qui aura vu l’Instrum couronnée en 1901, la formation remporte le Festival des Musiques Légères.

Samedi 17 novembre 2012, on inaugurait les nouveaux locaux pour l’école de musique et tous les bellerins y auront été conviés. Ce fut une magnifique journée familiale où musique, discours et apéro se sont succédé.

L’Instrum, comme on l’appelle affectueusement, poursuit ainsi sa vie sereine jusqu’en 2019, année du 150ᵉ.

2019 — année du 150ᵉ

Le premier janvier, les membres s’activent à la Grande Salle de Bex pour le traditionnel loto du nouvel an. L’ambiance est bonne, et l’on commence à parler des événements à venir pour cette année du jubilé.

La suite se passe le samedi 23 mars, soir du concert annuel. Ce dernier s’ouvre avec Absence, la diane bellerine, née d’une tradition aussi vieille que la société qui la joue. C’était l’occasion pour remettre les partitions au propre, le jeu historique étant composé de manuscrits sur carton plastifié et qui, au fil des années pluvieuses, commençait à accuser des signes de vieillesse.

Le 4 mai, une journée relativement chargée s’annonçait. Première étape : la diffusion en direct du Kiosque à Musiques de la RTS, de 11:00 à 12:30. La popularité de l’émission n’étant plus à discuter, l’ambiance était excellente et cela augurait bien pour l’autre événement en soirée : le soûper-concert avec le groupe Brassessoires, qui a su là aussi égayer et époustoufler les convives avec leur spectacle. A noter que l’ensemble, exclusivement féminin, se produisait pour la première fois en Suisse, expérience qu’elles ont manifestement apprécié !

L’événement suivant fut le concert final du camp SCMV, organisé au nouveau collège de la Servanne le 20 juillet au soir, l’occasion de faire un premier concert dans cette salle de gym. Là aussi, les auditeurs étaient au rendez-vous, pour un concert-spectacle d’une qualité qui n’a absolument rien à envier à des sociétés de moyenne d’âge plus élevée.

Et le dimanche 21 juillet, journée officielle du jubilé, avec pour point culminant la présentation du nouveau drapeau, qui fait sensation. Si la face antérieure est complètement revue, la face postérieure possède le même dessin que sur le précédent drapeau, et dont la broderie avait déjà été reprise du prédécesseur ! Il semblait clair pour les membres que c’était là un élément à ne pas faire disparaître, même s’il n’était pas possible de reprendre les broderies une seconde fois.

Si le week-end des 20 et 21 juillet était le point culminant de l’année, un autre événement marquant avait commencé trois jours auparavant : la Fête des Vignerons. L’Instrum ne pouvait pas ne pas y participer et, renforcés par des musiciens de fanfares amies comme la Clé d’Argent de Renens, l’Echo de la Plaine de Noville ainsi que plein d’autres musiciens heureux de pouvoir participer sous la dénomination de Fanfare du Chablais, la formation avait le 18 pris part au cortège d’ouverture sous un soleil très généreux. Les quelques points de ravitaillement prévus le long du tracé on été bienvenus !
Trois dates étaient agendées dès le départ et, après bien des aléas météorologiques qui auront mis en péril le nombre de prestations (dont une annulée alors que la formation sortait du train à la gare de Vevey), les dates initiales furent adaptées. Trois cortèges sous un soleil de plomb, le dernier le 10 août fut l’occasion de faire honneur aux stands en soirée, les différentes sociétés se séparant à regret tout en se promettant de garder le contact.

Comme dernier évènement de l’année, il était prévu de faire un concert de Noël particulier. Des chœurs avaient donné leur aval, l’organiste s’était annoncé présent, et c’est avec un programme à monter sur un temps relativement court que l’Union Instrumentale reprenait les répétitions à la rentrée. Néanmoins, le concert du 15 décembre draîna beaucoup de spectateurs qui furent enchantés, tout comme les choristes et l’organiste. Il était difficile de rêver meilleur point d’orgue pour le jubilé !

La COVID-19 et l’avenir de l’Instrum

Heureusement que l’année du 150ᵉ s’était bien passée. En décembre 2019, il était déjà question du coronavirus qui faisait alors des ravages en Chine, mais personne ne s’était vraiment attendu à ce qu’il soit aussi virulent dès son arrivée en Europe. Prise de plein fouet, c’est la mort dans l’âme que la société décide, trois semaines avant celui-ci, d’annuler son concert annuel agendé alors au samedi 21 mars. Heureusement, les décisions prises par le Conseil Fédéral deux semaines plus tard montrèrent que la prudence n’avait pas été excessive, dans la mesure ou le concert n’aurait de toute manière pas pu avoir lieu.

Pendant les deux mois où les membres ne purent plus se retrouver, beaucoup profitèrent de l’initiative « Fanfares au balcon » pour continuer à pratiquer leur instrument. C’était sans compter les assouplissements,  l’ingéniosité du comité et de la commission musicale qui concoctèrent un plan de répétitions en petits groupes et programme léger avec des pièces à quatre ou cinq voix, en présageant de la possibilité de se retrouver en plus grand nombre pour un concert dès que possible.
La première possibilité cependant n’est que la Diane de l’Ascension 2021 où, du fait du nombre de personnes, deux groupes sont créés pour deux parcours distincts. L’accueil chaleureux aux divers arrêts montre que la tradition se devait de perdurer, et que les quelques notes jouées par-ci, par-là ont apporté un esprit musical fort bienvenu à la population de la commune.

Dès juin 2021, il n’est plus nécessaire de rester en petits groupes pour répéter. D’aucuns se réjouissent de pouvoir se retrouver enfin…

La société de l’Union Instrumentale poursuit ainsi la rédaction de son histoire faite de hauts et de bas, mais où les sujets de satisfaction dominent de beaucoup les inévitables creux de vagues.

Que vive l’Union Instrumentale, et que vive la musique !